Lire et écrire des haïku

 

 

Supports : Des recueils de « haïku » (voir bibliographie).

 

Parfois les nuages

viennent reposer les gens

d’admirer la lune.

                    Basho

 

Au bout du doigt du bébé

suspendu

un arc-en-ciel.

                 Hino Sôjo

 

Ne possédant rien

comme mon cœur est léger

comme l’air est frais.

                   Issa

 

 

Préalable : Pendant la semaine qui précède l’activité, l’enseignant lit de temps en temps un haïku. Il peut être intéressant de chercher le haïku qui semble correspondre à un vécu de la classe ou à la saison. Les élèves sont invités à découvrir le ou les recueils disponibles dans l’espace poésie, à choisir un haïku qui leur « parle » et à le recopier de manière lisible sur une feuille (format A4) destinée à être affichée.

Déroulement :

Etape 1 :   Les haïku choisis sont affichés au tableau. Après un moment de lecture silencieuse et l’écoute des impressions spontanées des élèves, l’enseignant demande quel est le point commun entre ces différents poèmes. Il s’agit de remarquer la forme brève en trois vers d’inégale longueur. On peut alors revenir aux recueils d’où les haïku ont été tirés, vérifier s’ils présentent tous la même forme et observer les titres, les illustrations et les auteurs. Si on dispose de suffisamment de recueils, ce travail se mène efficacement en groupes, éventuellement différenciés. Il doit permettre de trouver l’origine et/ou le nom du petit poème.

Concernant l’origine : il attire l’attention sur la nationalité des auteurs et le problème posé par la traduction.

Concernant le nom : le travail se complète par une recherche de définition plus précise du haïku en cherchant dans des dictionnaires ou les ouvrages à disposition. Il s’agit de s’interroger sur la mesure du haïku. En effet, dans la poésie classique japonaise, le haïku est un poème de dix-sept syllabes réparties en trois vers respectivement de 5, 7 et 5 syllabes. On peut aussi remarquer l’absence de rimes.

A l’issue de cette recherche, chaque élève vérifie si le haïku qu’il a choisi répond à cette règle et s’il provient d’un auteur français ou japonais. Les nombreuses entorses à cette règle sont dues à la difficulté de traduire en respectant la mesure et à une « importation » française qui adapte les règles japonaises à son goût.

Etape 2 :   Ecriture d’un haïku : cette étape gagnera à suivre immédiatement la précédente, quand les élèves sont imprégnés par la forme découverte et que les différents haïku sont encore affichés. L’inducteur est toujours un moment vécu, soit collectif, soit individuel. Il peut être intéressant de confronter les différentes perceptions poétiques autour d’un événement partagé par l’ensemble de la classe, mais on peut aussi demander aux élèves de penser à une expérience personnelle, éventuellement s’appuyer sur des photos, des cartes postales d’un lieu connu, sur la saison, sur la vue depuis la salle de classe, etc. L’essentiel est que l’élève soit rendu réceptif et disponible à ses émotions et au monde extérieur. Il est donc important de favoriser une ambiance calme, proche du recueillement, pendant la première phase d’écriture du haïku. Chaque élève doit essayer d’écrire des mots, se laisser envahir par des images, sans se soucier de la mise en forme. Des suggestions « d’inspiration » peuvent être faites à mi-voix par le maître. Chaque élève doit aboutir à un écrit provisoire.

Etape 3 :  L’enseignant sélectionne les haïku choisis par les élèves dans l’étape 1 en fonction des thèmes (saisons, nature, émotion…) et de la forme grammaticale (phrase nominale ou verbale ; présence ou non de l’énonciateur…) et les reproduit sur différentes feuilles. Si les élèves ont déjà travaillé sur les métaphores ou les comparaisons, on peut aussi retenir ce critère.

Travail en groupes : les élèves trient les haïku selon des critères qu’ils doivent eux-mêmes déterminer et nommer. La mise en commun vise à confronter les différents tris opérés par les élèves (formels ou thématiques), à cerner les différents thèmes des haïku et à s’intéresser à leur forme linguistique. On peut éventuellement s’intéresser de plus près à l’un ou l’autre haïku pour faire des remarques sur les sonorités, les images, les associations d’idées… Une petite affiche élaborée par des élèves volontaires rappelle les principales variables retenues pour le haïku.

Etape 4 :   Les élèves peuvent à présent intervenir sur leur propre écriture. Grâce à cet apprentissage, ils vont donner une forme à leur première écriture ou s’inspirer des thèmes découverts pour en élaborer une nouvelle. Il s’agit essentiellement de disposer les mots en trois vers, d’environ dix-sept syllabes, de choisir une forme verbale ou nominale, donc d’opérer des raccourcis, d’enlever les mots superflus. On peut s’inspirer des conseils de Jean-Hughes Malineau dans Trente Haïku rouges ou bleus.

Etape 5 :   La valorisation et socialisation des haïku peut prendre des formes multiples. On peut recopier le haïku sur une feuille de la couleur qui lui correspond. Les petits papiers peuvent être affichés et offerts à la lecture de la classe ou éventuellement de l’école, mais on peut aussi, dans un moment de regroupement, proposer une valorisation orale. Les élèves sont rassemblés en cercle et les haïku sont disposés au milieu. Un premier élève tire un papier et le propose à un deuxième élève qui le lit. Il tire un autre papier et le présente à un autre élève …

Prolongements : Relation avec l’art japonais en utilisant, entre autres, les reproductions de Paroles du Japon ou de Petits Haïku des saisons. Relation avec les langues étrangères : comparer deux traductions différentes d’un même haïku. Par exemple, le poème suivant de Ryôkan se retrouve respectivement dans Paroles du Japon et dans Tour de terre en poésie où il est accompagné de son écriture japonaise :

 

Le voleur a tout emporté

sauf la lune

qui était à ma fenêtre.

Le voleur parti

n’a oublié qu’une chose —

la lune à la fenêtre

 

On peut observer l’écriture japonaise (verticalité, idéogrammes, absence d’alinéas…), comparer les deux traductions, leurs effets, exprimer une préférence…

Intérêt pédagogique : 

·      découvrir une forme poétique étrangère

·      être sensible à une ouverture culturelle

·      entrer dans un connivence poétique

·      écrire en réfléchissant à l’emploi de chaque mot

Autres supports :  On peut utiliser la même démarche avec des recueils comprenant des poèmes brefs recueillis suivant un autre principe que le haïku.

 

Extrait de

Usage poétique de la langue Cycle3 de Annie CAMENISCH et Edith WEBER

Bordas (Enseigner aujourd’hui), 2001.